Charges déductibles : des exemples à ne pas suivre

Publié le 20 juin 2024 à 17:13

Les charges ayant été déduites du résultat imposable sont un point d'attention systématique lors d'un contrôle fiscal. Illustration au travers de récentes affaires.

Des conditions précises à satisfaire

Pour déduire des charges du résultat fiscal d'un exercice, celles-ci doivent :

-être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation, c'est-à-dire se rattacher à une gestion normale ;

-se traduire par une diminution du résultat comptable de l'entreprise (par opposition à un investissement) ;

-être régulièrement comptabilisées et appuyées de pièces justificatives suffisantes.

Tout est une question de preuve.

À l'entreprise de justifier de la déduction d'une charge

Comment ? En produisant des pièces justificatives suffisamment précises attestant de la nature de la dépense, ainsi que de l'existence et de la valeur de la contrepartie qu'elle en retire.

Si le fisc s'y oppose

Il doit prouver que la dépense n'est pas déductible par nature, qu'elle n'a pas de contrepartie ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. Pour se défendre, l'entreprise doit réfuter ces arguments par tout moyen. Si elle n'y parvient pas, la charge est réintégrée fiscalement ce qui vient majorer d'autant le résultat taxable.

Il ne faut donc pas faire n'importe quoi comme en atteste une abondante jurisprudence.

 

Ne pas être capable de prouver l'intérêt de l'entreprise

Lors d'un contrôle, le fisc remet en cause la déduction d'honoraires versés par une SAS à un cabinet d'avocats. Pour sa défense, celle-ci explique que cette dépense a été engagée pour les besoins de son activité car elle est relative à des prestations portant sur l'analyse fiscale des distributions de dividendes à ses associés non-résidents et l'étude des conséquences fiscales de sa transformation de SARL en SAS. Saisis du litige, les juges valident le redressement. La SAS n'ayant fourni aucune pièce ou élément permettant d'identifier la nature des prestations facturées, ils estiment que la SAS n'a pas apporté la preuve que les dépenses ont été engagées dans son intérêt (CAA Nantes 27 février 2024, n° 23NT01961).

 

Dans une autre affaire, un vérificateur se penche sur un contrat de bail conclu par une société au titre de la location d'une maison d'habitation. Considérant que cette opération est sans rapport avec son activité, il remet en cause la déduction des loyers payés. Photos à l'appui, la gérante plaide qu'il y a bien un intérêt pour la société, cette maison étant utilisée pour stocker des documents professionnels. Ce qui ne convainc pas le fisc, qui souligne que le descriptif de la maison laisse supposer qu'il y a peu de place pour du stockage. Point de vue partagé par les juges : rien ne prouve que ces frais de location ont été engagés dans l'intérêt de l'exploitation, ce d'autant que le bail interdit l'exercice d'une activité professionnelle dans les lieux (CAA Marseille 8 février 2024, n° 22MA00906).

 

Faire endosser des dépenses personnelles par l'entreprise

Déduire des dépenses d'ordre strictement privé est vivement déconseillé. En témoignent les redressements infligés à une SARL exploitant un magasin de vente de compléments alimentaires et de matériel de fitness, tous validés par les juges. Le premier porte sur un abonnement Canal + qui n'a pas été considéré comme professionnel faute de prouver la diffusion des émissions dans la boutique et non au domicile personnel des gérants. Même verdict pour l'achat de vêtements de ville ou de sport ainsi que de chaussures pour homme qualifié de dépenses personnelles car sans lien avec l'exploitation de la boutique.

 

Même si l'activité est liée au sport, les juges confirment aussi que les frais d'abonnement à une salle de sport contracté par les associés et gérants ne peuvent pas être déduits du résultat de la SARL. Bien que ceux-ci invoquent le fait qu'ils profitent de leur séance de musculation pendant la pause déjeuner pour nouer des contacts avec de potentiels clients, les juges qualifient cette dépense comme personnelle.

 

Les juges considèrent enfin que des frais de repas soit disant d'affaires pris par le gérant n'ont en réalité aucun caractère professionnel et ne sont donc pas déductibles. L'analyse des justificatifs produits fait ressortir le fait que ces repas ont été pris dans la ville où habite ce gérant, principalement le week-end ou le lundi jour de fermeture de la boutique, et incluent de nombreux convives dont des enfants (TA Nîmes 16 février 2024, n° 220045).

 

Une EURL marchand de biens ayant acquis un ensemble immobilier pour le revendre par lots s'est aussi vu refuser la déduction de dépenses de « home-staging » dans la villa de son gérant et de frais liés à la pratique du golf. Les juges écartent l'argument selon lequel ces dépenses permettaient de faciliter la vente de ce complexe de luxe et que des contacts étaient susceptibles d'être noués par le gérant avec des acheteurs potentiels lors de ses parcours de golf. Ces dépenses ayant été engagées dans l'intérêt personnel du dirigeant, le redressement est confirmé (CAA Lyon 4 avril 2024, n° 22LY01380).

 

Présenter des notes de frais fantaisistes

Les notes de frais des dirigeants sont scrupuleusement épluchées par le fisc en cas de contrôle. Une société en a fait l'expérience et s'est vu refuser la déduction de frais de déplacement et de restauration leur ayant été remboursés au motif que les justificatifs n'étaient pas probants. Utilisant son droit de communication auprès du service de l'immatriculation des véhicules, le fisc a vérifié leur kilométrage et s'est aperçu que le nombre de kilomètres déclarés comme parcourus pour les besoins de l'entreprise était surestimé. Concernant les frais de repas, le nombre de jours pris en compte par la société ne correspondant pas au nombre de jours effectivement travaillés et seuls quelques tickets de supermarché ayant été présentés, les dépenses exposées ont été considérées comme non justifiées donc non déductibles. Le verdict du fisc est ainsi confirmé par les juges (CAA Douai 22 février 2024, n° 22DA01958).

 

Conseil. Pour éviter les mauvaises surprises, il est indispensable d'anticiper des investigations approfondies du fisc. Il faut pouvoir justifier avec une grande précision les dépenses qui ont été déduites fiscalement.

 

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